Mayotte : reconstruire pour qui ?

Mayotte, Reconstruire pour qui ?

29 décembre 2024

L’état en rêvait, les opérations coloniales de nettoyage comme Wambushu n’avaient pas suffi, le réchauffement climatique l’a fait¹ : les bidonvilles de Mayotte ont été rasés.

On parle désormais de reconstruire Mayotte². Et « pas que les défenses contre l’immigration » nous dit-on, mais aussi « école, [...] habitat, [...] hôpital »³. Ok sur le papier, mais dans quelle intention ?

Plein.es de confiance et d’optimisme, on pourrait imaginer que l’état français sera sensible à la détresse d’une population sous sa domination, pardon, sous sa « protection », d’une île que l’on « aime beaucoup »². Mais l’empressement très relatif des dirigeants du pays à s’y rendre⁴, ou la façon très personnelle d’exprimer leur empathie⁵ viennent rapidement fragiliser cette hypothèse.

Que nous apprend l’histoire ? Que s’est-il passé pour d’autres reconstructions ? Regardons notamment deux exemples très représentatifs rapportés par Naomi Klein dans son livre « La Stratégie du choc » : ils n’augurent rien de bon.

La Louisiane est ravagée en 2005 par le cyclone Katrina. Naomi Klein rapporte plusieurs faits très éclairants lors de la « reconstruction ». Ainsi, le nombre d’écoles privées de la Nouvelle-Orléans passe de 7 à 40, faisant de la ville « un laboratoire de l’éducation privée ». Les HLM sont également rasés, et remplacés par « des copropriétés ou des hôtels ». Les investisseurs privés, ne pouvant rater une si belle opportunité, ont contribué à « la plus grande opération de spoliation de tous les temps »⁶.
Un an avant, le Sri lanka connaissait lui aussi une admirable opération spéculative lors de la « reconstruction », suite au terrible tsunami de 2004. Les côtes avaient été données aux industriels du tourisme, après que les populations de pêcheurs qui les habitaient aient été déplacées à l’intérieur des terres.

Avec en tête ce que fait l’Israël des terres qu’elle colonise (et d’autres exemples ?), notre optimisme initial finit de tomber à l’eau.

Comme le Monde⁷ le reconnaît, reconstruire n’a rien de simple. Nous voyons surtout que cela est totalement politique, et que l’intention, qui se cache derrière, est un élément crucial : reconstruire comment ? et pour qui ? Aider⁸ ne sera pas suffisant : comme on l’a vu, l’aide et la solidarité internationales sont utilisées sur place contre les populations d’en bas qui, elles, en ont besoin.

Il nous faut rester vigilant.es à ce que la reconstruction soit faite pour les populations locales. Peut-être en créant les conditions et en permettant que les peuples se prennent en main ?

Liens autour du travail de Naomi Klein :

https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/la-bas-si-j-y-suis/la-strategie-du-choc-la-montee-d-un-capitalisme-du-desastre-7327175 (mais visiblement erreur dans le podcast inclus dans la page)
https://la-bas.org/spip.php?page=article&id_article=1518 (interview France Inter 9 octobre 2008)
https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-matins/naomi-klein-9999033 (podcast du 28 mai 2008 France Culture mais visiblement supprimé du site)
https://www.youtube.com/watch?v=Mm8PZFz9T-E (240p) ou https://www.youtube.com/watch?v=4v16uO4LIiY (360p)

Notes :

Sources illustrations :

Gironde

Mayotte, Reconstruire pour qui ?